Jamais assez bien…
Je vous préviens d’or et déjà, vous êtes face à une obsédée de la perfection, à une éternelle insatisfaite. J’ai toujours été comme ça, aussi loin que je m’en souvienne. C’est dans mon caractère et ça vient aussi de mon éducation, je pense que les deux sont étroitement liée… J’imagine, je n’ai aucune compétence en sociologie/psychologie, bien que ces matières me fascinent.
J’ai des parents exigeants, l’un plus que l’autre, mais ne froissons personne. Bien entendu, j’y trouve des avantages : l’esprit de challenge, le côté “booster” qui pousse à se dépasser, à faire mieux la fois suivante. Puis parfois c’est contre-productif, et même décourageant, parfois c’est simplement trop.
Ce trop, je ne le connais que “trop” bien, ce “trop” m’a eu. Anne-Sophie 0, “trop” 100. J’ai perdu à ce jeu et depuis je ne vois plus les choses de la même façon. Il faut du temps pour changer, puis ça fait peur. Mon propre caractère se retourne contre moi, ma quête de la perfection, du “plus”, du “trop”. C’est comme une maladie auto-immune, c’est vous contre vous, en l’occurrence moi contre moi. J’avais longuement hésité à en parler ici, parfois j’en avais envie, parfois je me disais que ce sujet n’avait pas ça place ici, mais si je ne peux pas en parler sur mon propre site, où est-ce que je peux le faire ?
J’ai passé des années à non seulement essayer, mais à en faire plus. A vouloir gérer le plus de chose, pour le plus de personne possible, être parfaite, pour tout le monde (sauf pour moi), être irréprochable, c’était mon moteur, mon addiction. Parce que oui, à ce stade on peut parler d’addiction, plus tu place la barre haute et plus tu réussies, plus tu pousses encore. Jusqu’à ce soit trop haut et que tu tombes. Et croyez-moi, après une chute de cette hauteur, il faut beaucoup de temps pour réparer les dégâts. J’aime beaucoup parler avec des images, j’en ai d’ailleurs une autre, bien connue, c’est comme un verre que l’on remplit, sans arrêt, il finit par déborder. Étrangement, l’image est logique et limpide pour tous quand on parle d’un verre, mais dès qu’il s’agit d’une personne, la métaphore s’estompe et perd de sa clarté. Pourtant, c’est la même chose, pas le verre et l’humain, mais le principe. Le principe de la surcharge, du “trop”. Je n’ai pas envie de mettre de mot sur cela, je crois que c’est encore trop frais, trop tabou. Mais croyez-moi, le plus beau cadeau dans ces cauchemars, c’est les leçons tirées, ce que l’on apprend sur nous, sur la vie, sur le regard des siens, des autres, du notre…
Le “trop” est souvent de paire avec le “jamais assez”, par c’est à cause de ce dernier que l’on pousse les choses jusqu’au fameux “trop”. Et j’en ai marre, pour être polie, au fond j’ai envie de l’exprimer de façon bien plus familière mais restons correcte… Je ne comprends pas cette éternelle insatisfaction. Et là, si vous suivez bien, vous vous dites “elle se fiche de nous, elle disait 300 mots plus haut qu’elle était elle même une éternelle insatisfaite”. Alors oui mais non, enfin non je ne me fiche pas de vous, mais oui je le suis (éternelle insatisfaite), mais je le suis vis-à-vis de moi-même, pas des autres. Je suis rigoureuse avec moi-même, j’exige beaucoup de ma personne, j’aime la perfection et c’est toujours mon objectif, mais pas pour les autres. Je sature des gens insatisfaits qui passent leur temps à se plaindre des autres, à critiquer les autres. Oui je me plains, oui je critique, ne jouons pas les hypocrites mais quand le “trop” est là… Justement c’est trop. Et j’ai trop de personnes autour de moi qui sont dans l’exigence constante vis-à-vis de autres, qui ne les lâchent pas, qui ne sont jamais satisfaits. Finalement, c’est une forme de persécution et ça me fatigue, ça m’énerve et j’en deviens mauvaise. On rentre dans la phase où ce “jamais assez” devient nocif, met une pression incommensurable, une pression destructrice, épuisante.
Beaucoup de personnes accordent une grande importance au regard des autres, par cela, je n’entends pas le regard dans la rue, le regard “physique”, mais plutôt le jugement moral, sur qui on est, ce que l’on veut, ce que l’on aime. Je ne comprends pas cet acharnement. Comme si nous ne subissions pas assez de pression dans notre relation à nous même. Apprendre à se connaître soi-même, à s’apprécier, à s’écouter…
Pour certains, comme moi d’ailleurs, l’appréciation des gens qui m’entourent compte (ou dois-je dire “comptais”) énormément car je me jugeais, je me voyais à travers leurs yeux, leurs remarques. Puis j’ai appris quelque chose, j’ai appris à prendre du recule. Je ne maîtrise pas encore l’art de la prise de recule, mais j’y travaille chaque jour, je m’entraîne. Je me regarde avec mes yeux, et je m’apprécie moi-même, sans passer par l’intermédiaire des autres. Ce n’est pas toujours évident, parfois même ma carapace se fissure, je baisse la garde et je suis touchée, mais j’essaye petit à petit de me considérer sans passer par le filtre des autres. Finalement, ce n’est peut être pas vous contre vous, la pression des autres contre vous. Parfois il faut se rencontrer, ou traverser des moments que l’on voudrait oublier pour s’en rendre compte.
Vous n’êtes pas “pas assez” ni “trop” vous êtes vous, et puis c’est bien comme ça.
« Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont, au fond, ce qu’il y a de plus important en nous, même pour la propre connaissance de nous-mêmes. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres nous ont fournis. Quoi que je dise sur moi, quoi que je sente de moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Je veux dire que si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui et alors en effet je suis en enfer. Il existe quantité de gens qui sont en enfer parce qu’ils dépendent du jugement d’autrui ».
Jean-Paul SARTRE
Leave a comment
Vous devez être connecté pour publier un commentaire.